LeLeon - J'ai touché aux platines, ça m'a échappé

" à vrai dire, j’ai jamais vraiment voulu être DJ, c’est une quête secondaire qui est partie un peu trop loin" Entre son héritage musical maghrébin, ses premières soirées electro en douce et un engagement affirmé pour la sororité, LeLeon nous raconte son parcours de DJ.
Peux-tu nous parler de tes influences musicales quand tu étais jeune ? Comment t’est venue l’envie de devenir DJ ? Et quel a été le parcours qui t’a mené à cette voie ?
Plus jeune je n’ai pas le souvenir précis d’un genre musical en particulier, chaque genre est venu progressivement, s’imbriquer avec un autre. Comme toute famille maghrébine qui se respecte, à la maison : la musique comme la danse, on n’y échappe pas. Du raï, du chaâbi, du gnawa… des chansons kabyles, je me souviens de disques d’Idir qui tournaient en boucle dans la voiture de mon père pour descendre jusqu’à Marseille chaque été. De la chanson francophone aussi : Georges Brassens, Edith Piaf, Bourvil, Daniel Balavoine, Léo Ferré…
Vers mes 16 ans je découvre James Blake, James Holden, Luke Abbott, Christian Löffler… Tout ce mouvement electronica qui prend de l’ampleur entre 2013 et 2016. Dans la foulée j’écoute un peu de house, un peu de techno avec les labels Innervisions et Kompakt. J’ai envie d’expérimenter cette musique pour de vrai, expérience nourrie par tellement de fantasmes mais aussi la rigidité de la maison familiale ainsi que des parents très stricts, c’était certain que j’allais faire le mur. Je fais ma première croisade nocturne au Wanderlust pour voir Terranova (en faisant mes recherches sur cette soirée je découvre que le set a été enregistré) et dans la foulée je vois Fred P au Rex pour la résidence de Molly, j’étais partie et voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Puis à vrai dire, j’ai jamais vraiment voulu être DJ, c’est une quête secondaire qui est partie un peu trop loin. J’avais des ambitions dans la production événementielle spécifiquement dans la vie culturelle nocturne, en amont ou sur l’exploitation. Je m’étais tenue à une certaine rigueur, je voulais toucher un peu à tout. J’ai touché aux platines, ça m’a échappé…
Tu as porté plusieurs projets, dont le collectif Bande de Filles. Peux-tu nous raconter la genèse de ce projet et la façon dont il a évolué jusqu’à aujourd’hui ?
Le collectif a aujourd’hui 6 ans, c’est parti d’un all night long qui s’est finalement fait à 6 mains. Ça nous a beaucoup inspiré et on a vraiment eu envie de rendre à la communauté ce sentiment de sororité. On a eu la chance d’organiser de belles soirées où plusieurs DJs FLINTA ont pu se rencontrer dans un espace officieux. Dans la foulée nous avons organisé nos premiers événements dans plusieurs salles à Paris, nous avons également eu la chance de jouer dans différents clubs et festivals en France et en Europe. Nous nous sommes un peu éloignées de la dimension communautaire à plus petite échelle du collectif mais nous travaillons sur de nouveaux projets, qui devront voir le jour en 2026.

Tu as eu plusieurs résidences à Paris avec Bande de Filles, et tu es désormais résidente en solo avec Slam Dance. Comment abordes-tu tes sets et leur préparation en tant que résidente ?
Sur quasiment toutes les soirées j’ai un temps seule et un temps en B2B, exercice que j’affectionne beaucoup.
Je commence par les intentions que je vais y mettre, en fonction de mes expériences, de mes humeurs etc… Puis les couleurs musicales, est-ce que ce soir ça sera plus house, plus bass, plus deep et j’en passe. Souvent mon temps seule s’apparente au warm up, comment je travaille graduellement pour accompagner le public jusqu’à l'arrivée de mon invité.e ? Je reprends des classiques de ma playlist en y incorporant de nouveaux morceaux, je me laisse aussi expérimenter beaucoup. Je sélectionne des morceaux qui sont “MC Friendly” pour que notre MC Leo Von Zbeul puisse avoir son espace d’expression.
Puis pour les temps de B2B j’essaye de trouver une sélection qui correspond à mon invité.e à travers mon univers musical, j’adore ce genre d’exercices. Je trouve que ça pousse à la curiosité, ça nous pousse nous mêmes dans nos propres retranchements musicaux. Pour la première soirée, mon invité était Aleksandir. J’avais prévu pour le B2B des morceaux à 140 bpm minimum, aériens, pas trop chargés, de la ukg à la footwork jusqu’à la drum’n’bass. On a finalement joué deep techno jusqu’à la fermeture, comme quoi, tout est loin d'être calculé. C’était un super closing, le public était super réceptif, c’était dur de les faire partir à la fin, on aurait dû faire un after dans la foulée !
Le métier de DJ correspond-il aujourd’hui à l’idée que tu t’en faisais à tes débuts ?
Je crois que c’était très abstrait pour moi que ça soit un métier tellement c’était intouchable et lointain. C’était une passion, un passe temps, un hobby mais pas un métier. Je voulais être universitaire, professeure d'histoire de l’art, faire de la recherche; être fonctionnaire. J’ai grandi dans une famille pour qui l’intégration était primordiale, il fallait que j’aie un “vrai” métier, avoir un métier artistique était absolument inenvisageable et dj encore moins. Mais je savais aussi que je ne me visualisais pas dans un bureau, avec des horaires de bureau, des collègues de bureau et tout le style de vie qui va avec.
La professionnalisation a été longue, je mixe depuis 9 ans et j’en vie depuis maintenant 3 ans. Les années Covid sont passées par là, il y a eu beaucoup de doutes quant à la stabilité de ce métier, surtout financière. J’ai pris cette décision en mettant mon ego de côté en me rappelant que “si ça marche tant mieux, si ça marche pas tant pis, au moins j’ai essayé et c’est sans regrets”.
Passer d’un cdi à l’intermittence, émotionnellement et psychologiquement, ça a été violent pour ma part. Tu es plus ou moins seule, tu gères ton temps seule, tes journées seule. Quand on est habitués à un minimum de cadre pendant des années c’est dur de s’en défaire. Mais en réalité j’étais face à un néant créatif et personnel nourri par la peur de l’échec, ce qui est paradoxal quand on change son style de vie du tout au tout, pour vivre d’un métier créatif.
Je pense qu’à l’époque, je n’avais en aucun cas réalisé l'exigence physique et psychologique de ce métier, comme beaucoup de métiers passion où tu ne claques pas la porte du bureau à 18h. Mais aujourd’hui malgré les remises en question et les doutes, je ne regrette à aucun moment mon choix et je suis très reconnaissante chaque jour de pouvoir vivre de ce métier et de pouvoir le cultiver d’années en années. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes inspirantes, d’être très bien entourée d’un point de vue personnel comme professionnel.
Enfin, tu as travaillé à la Mona pendant plusieurs années, ça te fait quoi de revenir en tant que DJ maintenant ?
FULL CIRCLE MOMENT
Je suis hyper reconnaissante pour tout et depuis le début, La Mona fait partie de moi, de ce que je suis et de mon projet musical aujourd’hui de près comme de loin à différents niveaux. Merci Nick de me permettre de revenir mais en tant que dj cette fois ci !
Tu peux nous glisser un ou deux tracks que tu as en tête pour ton set histoire de nous mettre en jambe ?
J’ai déjà mis de côté pas mal de choses mais ça va être très dur de faire un choix dans tout ça…








