Fanny Queen & Mab'ish, la danse un outil d'affirmation et un langage d'expression

Danse

Danseur·euse, chorégraphes et artistes pluridisciplinaires, Mab’ish et Fanny Queen naviguent entre différentes esthétiques pour faire de la danse un langage libre. L’une mêle hip-hop et house en intégrant une approche musicale et performative. L’autre explore l’improvisation et whacking pour affirmer son identité. Ensemble, aels reviennent sur leur parcours, leur rapport au public et les défis qu’aels ont dû relever en tant qu'artistes.

Retrouvez les le 8 mars à La Bellevilloise pour une House dance class avec Mab'ish dans la House Room et une Waacking dance class avec Fanny Queen dans la Disco Room !

Comment ta  formation et / ou ton parcours personnel ont-ils façonné ta manière d’aborder la danse aujourd’hui ?

Mab'ish : J’ai une formation classique à la base et je me suis très jeune passionnée pour la culture hip-hop et house. J’ai évolué depuis 15 ans, en tant que danseuse professionnelle dans différentes compagnies : Les Indes Galantes (Opéra de Paris), Hip Tap Project, Laura Scozzi, Farid Berki. Mais mon envie de création et d’explorer ma créativité avec différents arts, est devenue de plus en plus forte, et depuis 2013 j’ai commencé à créer mes propres performances.

Le lien entre la musique et la danse, est le point central de tout mon développement artistique, et mon parcours de DJ, musicienne et productrice de musique a beaucoup influencé mon approche dans ma danse. Dans cette optique de mettre en valeur le lien musique /danse en 2024, j’ai chorégraphié le show de Lefto « Motherless father » et je développe en ce moment ma propre création Cosmic Circle (live musique avec 4 danseuses) et notre groupe Oswela résonne beaucoup aussi dans cette vision.

Fanny Queen : J’ai commencé par des cours de danse où on apprend et performe une chorégraphie, tu prends la matière de quelqu’un et tu essayes de te l’approprier. En 2020, quand j’ai pris mon premier cours avec Mounia Nassangar, ça été mon véritable contact avec le whacking, et surtout avec le freestyle. C’est vraiment une autre démarche puisqu’il s’agit pendant un battle, de créer et montrer sa propre matière, sur le moment, dans un temps limité. C’a été la plongée dans l’inconnu lors de la formation Ma Dame Paris, avec Mounia et Princess Madoki. Au-delà des mouvements, de la dé-coordination, et l’histoire de ce style, j’y ai appris à tester des choses, à me montrer vulnérable, à explorer. Pour moi, le whacking est arrivé au moment où je commençais enfin à rassembler les différentes parties de mon identité, de mon parcours, de ma personnalité. J’ai pu apporter une nouvelle dimension à ma danse, et à travers le whacking j’apprends surtout à mieux me re/connaître. . 

Quelle est ta relation au public lors de tes performances ? Cherches-tu à provoquer une réaction, une émotion particulière ?

Mab'ish : J’aime partager au public mon amour et ma passion pour la danse, et la musique (particulièrement Black American Music). Mon nom d’artiste Mab’ish vient d’ailleurs d’une tirade de Mercutio dans Roméo et Juliette: la queen  « Mab » vient dans les rêves des amoureux pour leur inculquer des idées d’amour pour qu’ils tombent amoureux… c’est ce que j’essaie de faire avec mon art, donner de l’amour aux gens. L’expérience du clubbing et de communion ensemble sont de plus en plus présentes dans mes performances. J’aime toucher les gens en les plongeant dans des univers visuels forts aussi. J’aime à la fois une proximité du public par ce rapport immédiat avec les gens, et à la fois par le rapport à la scène où les gens rentrent dans un voyage onirique et mon univers.

Fanny Queen : Ma relation avec le fait de danser en public a clairement évolué, au début j’étais complètement tétanisée, c’était assez frustrant à vivre. J’ai dû progresser là-dessus en me détachant d’un éventuel regard extérieur et en mettant ma perception au centre de mes performances. Maintenant j’envisage davantage le public comme sorte de miroir qui parfois amplifie, parfois déforme, parfois renvoie ce que j’essaye d’exprimer. Ma préoccupation principale c’est de pouvoir exprimer mon message de manière claire. Et ce message ça peut être une pensée furtive parce qu’un moment a attrapé mon œil dans la soirée, ou alors une réflexion que je construis depuis un moment.  Bien sûr c’est toujours agréable quand le public réagit à un passage que tu viens de faire , à ce moment-là tu sens que la performance prend la forme d’un échange, et que l’histoire que tu es entrain de raconter a été entendue.

© Adeline Rapo

Quels sont les défis majeurs que tu as rencontrés en tant que femme et artiste indépendante et comment les as-tu surmontés ?

Mab'ish : En tant que femme, je pense que je me suis bcp sentie beaucoup en minorité dans un milieu assez masculin (que ça soit dans la danse hip-hop ou dans le djing). Depuis quelques années je travaille avec beaucoup de femmes: avec la compagnie KiLai, les sessions More Than Woman ou encore ma création Cosmic Circle. Cette sororité m’a beaucoup aidé à trouver la force pour ne pas lâcher et me donner plus confiance en moi.

Fanny Queen : En tant que personne noire queer artiste plus size on se heurte régulièrement au fait de ne pas être dans la norme, de ne pas coller aux idées reçues enrobées d’un peu de sucre « oh wow tiens je pensais pas que tu pouvais danser comme ça », le défi devient alors de s’affranchir de ces avis non-sollicités. L’introspection et l’estime de soi dans ce cas sont importantes, mieux je me connais plus je suis capable de performer indépendamment des remarques. Ce qui m’a permis de travailler là-dessus c’est clairement la communauté whacking, et d’y avoir trouvé mes gens. Avec les Delacrème ou Waack in Paris, j’ai un entourage qui me permet de me recentrer, de partager le positif et le négatif, de continuer. « Fanny Queen » d’ailleurs ça vient d’elleux. 

© Kate Lock