Guy Cuevas, pionnier de la Disco

Écrivain, musicien et comédien né en 1945 à La Havane (Cuba), Guy Cuevas est surtout connu pour avoir été le DJ résident du club “Le Palace”, période Fabrice Emaer à la fin des années 70, début des années 80. Théâtre, où tous les grands noms de la chanson française de l’après-guerre se sont produits, puis cinéma de quartier, ce lieu fut l’alternative française du mythique “Studio 54” (New York).
Après quelques allers-retours outre-atlantique pour étudier l’ambiance et les sons joués dans l'emblématique club disco, Cuevas dira « J'ai été marqué par le choix du DJ, systématiquement efficace et commercial. Il proposait avant tout ce que les gens attendaient, ce qui était à la mode. Et ce qui l'était, c'était le disco ! Quand le Palace s'est ouvert, en mars 1978... j'ai joué aussi la carte de tous les succès discos ».
La soirée d’ouverture du Palace reflète l’avènement du disco, Grace Jones, apparaît entourée de fumigènes et de lumières roses, puis chante “La Vie en Rose” sur une Harley-Davidson rose. Côté musique, Cuevas joue Donna Summer, les Village People, les Bee Gees, mais aussi des perles totalement inconnues. Afin de lutter contre l’ennui des soirées qui s'enchaînent, le Dj crée, invente, afin de ne pas toujours avoir les mêmes tubes sur ses platines, glissant parfois d’autres éléments comme les sons d'hélicoptère de la bande originale d’Apocalypse Now, ou un morceau de Vivaldi…
"Je ne m'interdisais rien. Je pouvais passer tout à coup Veronique Sanson ou Barbara parce que ça me plaisait mais pas le morceau en entier. Puis enchaîner sur la Tamla Motown, le Disco de Philadelphie, Barry White, Les Temptations, Nina Simone - je suis un fou de jazz au départ et maintenant je n’écoute plus que ça, je suis revenu à mes premières amours. Je mélangeais tout. Le Latino, la soul, la pop, de la comédie musicale, de la variété, et un thème classique au milieu de temps en temps, grandiose ! Chaque fois que je partais en voyage, je rapportais aussi de nouvelles idées et de nouveaux disques. La musique balinaise par exemple m’a beaucoup servie. Je rajoutais également des élements sonores ou des instruments : pour Nina Simone, par exemple, sur sa version de “My Sweet Lord”, je jouais du tambourin. Comme à Cuba on savait faire de la musique, des percussions, avec rien, je l’ai fait pour décoincer les gens."
Pour mieux être en connexion avec son public, Cuevas mixe sans casque. " Je ne me servais que de mes trois platines. Et jamais de casque, tu ne mets pas un casque quand tu baises ! J'adorais écouter le brouhaha, c'est là qu'il y a des vibrations - je le sais encore plus depuis que je suis aveugle - c'est là qu'on capte des choses, si les gens sont contents ou pas, si ça leur plaît ou pas, comme un chanteur devant son public ... Aujourd’hui , il ne faut plus entendre les enchaînements, alors on a l’impression pendant 4 heures, c’est le même morceau. C’est tout ce que je déteste, et en plus c’est fait au casque. ralentir ou accélérer le morceau suivant pour qu’il soit exactement dans le même tempo que le précédent, c’est absolument ridicule … c’est comme si tu faisais l’amour pendant 3 heures sur le même rythme : tu fatigues tout le monde ! On pense à autre chose ! Il faut des petites surprises, on ralentit, on remet le turbo, on surprend … j’ai toujours conçu ça de cette façon.”
Il quitte le Palace en 1981 et devient directeur artistique des Bains Douches puis du Barrio Latino. Il enregistre trois disques, en tant que chanteur :Ebony Games, Obsession, et Gallo Negro.
Il commence à perdre la vue en 1979, et devient complètement aveugle en 1994. Le monde de la nuit a changé, beaucoup des clubbers d'aujourd'hui ignorent jusqu’à son existence et l’influence qu’il a eu sur beaucoup d'entre nous.
Extraits issus de “Passeurs de Disques” de Ersin Leibowitch